dessin d'Aurore Black Cat |
Mon premier voyage en pays Iringdir, je l’ai effectué alors que je n’avais encore que 16 ans. Bien entendu, ce n’était pas la première fois que je quittais les terres SELEN et la FORET BLEUE car enfant, mes parents m’avaient une fois emmenée dans le pays AJIAN. Mais c’était la première fois que je partais à l’aventure si loin et… seule. Je quittais Silme, la ville étoile, pour tenter l’aventure dans l’intrigant pays de la TECH… et je n’avais pas encore passé mon premier examen de MAHÔ !
Ce qui a motivé mon départ, moi-même j’ai du mal à
l’expliquer. Je pense que tout cela est lié au mystérieux parchemin écrit dans
l’ancienne langue TECH. Nous avions trouvé ce parchemin dans les Ruines Ocres
alors que nous cherchions les Lys Rouges avec mes camarades. Depuis ce jour
je me sentais étrangement attirée par cette découverte et bien que nous ayons
fait promesse de garder cela secret, je finis par céder à la tentation en la
révélant au vieux sage de Silme, mon grand-père. Inconsciemment, je savais que
le parchemin recelait un mystérieux trésor mais la langue TECH, langue interdite
par les Amans, posait un grand problème. Grand-père examina le parchemin avec
un air grave. D’après lui, il semblait être question de pierres symboliques.
Mais il ne put rien dire d’autre. La relique restait entourée d’un voile de
mystère…
Grand-père restait silencieux. De toute évidence il
avait comprit même avant moi que je désirais percer le mystère du parchemin.
Il me dit simplement de prendre soin de moi. Les jours suivants, je réfléchis
beaucoup à cette histoire et petit à petit se forma l’idée de partir à l’aventure.
Mes rêves étaient peuplés de voyages divers et j’avais une soudaine envie de
quitter le pays. Je retournai voir grand-père et il me dit qu’on ne me retiendrait
pas si je voulais partir. Il me révéla aussi le nom d’un homme Iringdir qui
savait parler et lire le langage interdit. Dès ce moment ma décision fut prise
(à moins qu’elle ne l’ait toujours été inconsciemment ?) et je décidai
de partir la première semaine de printemps.
Beaucoup savaient que je voulais partir mais personne
n’en connaissait la cause réelle. J’avais annoncé vouloir me former l’esprit
et acquérir quelque expérience. Certains me trouvaient inconsciente ou encore
prétentieuse mais la plupart trouvaient mon choix sage et bienvenu. On m’encourageait
même et je reçus quelques présents pour me faciliter le voyage. La veille de
mon départ, je conviais mes amis à une modeste fête pour leur dire au revoir
(en espérant que cela ne fut pas un adieu) et le lendemain, alors que le soleil
pointait à peine au sud-est, je partis pour mon périple. Pour tout bagage, je
n’avais pris qu’un simple sac en cuir offert par ma meilleure camarade de Mahô.
Il contenait quelques vêtements de rechange, mon livre initiatique de Mahô,
une bourse de plantes de soins que ma mère y avait glissé (elle n’y avait mis
que des herbes contre les douleurs et 2 feuilles de Lys Rouge), des vivre pour
deux jours et bien évidemment LE parchemin. Je portais ma cape bleue-vert et
Grand-père m’avait donné un petit poignard que je portais à la ceinture à côté
de ma bourse.
Lorsque je franchis les portes Ouest de Silme, il n’y
avait personne pour me dire au revoir…
Mon généreux Grand-père s’était arrangé avec la complicité
de mon tendre Père pour me trouver un cheval afin de me faciliter le voyage.
C’est ainsi que je partageais la traversée du pays Selen en compagnie d’une
vielle monture du nom de JIKO. Durant les quinze jours ( ??) du voyage
je réfléchis beaucoup. J’avais discrètement laissé une lettre à ARENN, mon Maître
de Mahô, dans laquelle je lui donnais rendez-vous à Trois-Fontaines, petit village
au nord-est de Port Shavinka un mois et demi avant la date de l’examen de Mahô
pour le cas où je ne serais pas rentrée d’ici là. Je n’avais pas la moindre
idée de la façon dont il allait prendre ce message mais j’espérais qu’il le
prendrait au sérieux. Je ne voulais pas gâcher toutes mes chances de passer
cet examen… Par ailleurs, je n’avais pas la moindre idée de qui m’attendait
en pays Iringdir. Je devais trouver TON, l’Iringdir dont Grand-père m’avait
parlé. Il m’avait dit que Ton devait résider dans le quartier Sud de la grande
ville de Port Shavinka. Mais je n’avais pas d’autre information pour le reconnaître
et je ne connaissais pas du tout la ville… J’avais un sentiment étrange car
je me rendais compte que je ne savais rien du pays Iringdir et de la TECH. Les
gens en avaient parlé à Silme mais vivre cette découverte semblait si différent…
J’avais décidé de me rendre en pays Iringdir simplement
en suivant la route principale. Le soir je m’arrêtais dans des gîtes de voyageurs
ou encore chez des amis à mon père. La traversée du pays Selen fut lente car
Jiko était un animal fatigué mais elle restait agréable. Quand j’entrai en pays
Iringdir, je dormai le soir dans des auberges. Je n’aperçus pas vraiment la
différence en traversant les premiers villages, mais quand je pénétrai dans
la première ville, l’effet fut sidérant. Les bâtiments étaient vieux et sales
pour la plupart comme on me l’avait décrit, mais en plus de cela il y avait
la TECH ! Des grosses machines métalliques avançaient tranquillement le
long d’une voie tracée par des lignes de métal dans le sol. Elles sonnaient
à intervalles réguliers en dépassant les passants, les carrioles ainsi que d’autres
machines… La ville était plus petite que Silme mais semblait être animée par
une immense vague d’agitation perpétuelle. Tout bougeait et tout le temps !
Le soir, les routes étaient éclairées par des lumières provenant de sortes de
lanternes accrochées aux murs des maisons voire à de grands poteaux… Tout me
semblait étrangement magique… Pendant toute la traversée je cherchais à donner
une explication au fonctionnement de ces étranges objets TECH. J’étais bien
loin de la vérité, bien entendu.
Ainsi mon premier voyage s’effectua tranquillement
et sans encombre. Et enfin, je vis se dessiner à l’horizon la grande ville de
Port Shavinka. Elle était pourtant plus petite que Silme mais pour moi, beaucoup
plus impressionnante. Le soir je franchis la porte Nord le cœur léger. La ville
ressemblait aux autres villes Iringdir que j’avais traversées mais en beaucoup
plus grand. J’étais subjuguée par l’animation, les véhicules (j’avais appris
en questionnant les gens des auberges ce qu’étaient les principaux objets TECH
que j’avais vu), les trams, les habitations construites dans les anciens bâtiments
TECH… Des lumières électriques s’allumèrent les unes après les autres en venant
du cœur de la cité comme pour saluer mon arrivée. Il y avait tellement de choses
à regarder que je finis par ne plus faire attention à la route. Sans m’en rendre
compte, je me retrouvai dans d’autres quartiers plus anciens et plus sombres.
Je voulais retourner sur mes pas quand je me rendis compte que j’étais complètement
perdue. J’avais des difficultés à me repérer car je n’étais plus dans mon environnement
d’origine. Dans ce coin, les bâtiments étaient vraiment vieux et abîmés. Parfois,
les murs étaient écroulés et il y avait de nombreuses réparations de fortunes.
Le quartier avait tous les aspects d’un quartier à l’abandon mais je me rendis
compte qu’il était pourtant habité… Je cherchais à me sortir de cet endroit
au plus vite quand des individus débouchèrent devant moi. Comme ils n’avaient
visiblement pas l’air bien intentionné envers ma personne, j’ordonnai à Jiko
de faire demi-tour. Mais derrière moi se tenaient également d’autres individus
du même genre. Je réfléchis un instant alors qu’ils s’avançaient lentement dans
ma direction. Un des hommes sortit un couteau de sa poche. Je n’eus d’autre
choix que de m’engouffrer avec Jiko dans une ruelle que j’avais repérée sur
ma gauche et qui était encore plus étroite que la précédente. J’avais à peine
la place pour faire avancer ma monture mais les hommes étaient déjà à ma poursuite.
Par chance, Jiko bien qu’épuisé par le voyage pris un peu d’avance mais pas
assez hélas pour semer les autres.
Après avoir traversé plusieurs ruelles, nous arrivâmes
à un cul de sac. Je descendis sur la terre ferme pour examiner la situation.
Les hommes arrivaient déjà dans notre direction. Ils étaient cinq et la route
était bloquée par un muret derrière lequel descendait une rue perpendiculaire
en contrebas. Je pouvais aisément franchir ce muret mais pas Jiko. Je tentais
de demander en langue Iringdir ce qu’ils me voulaient mais je n’obtins pas de
réponse et comme les hommes s’étaient approchés, je sortis à mon tour mon poignard.
Un des hommes m’agrippa le poignet. Je ripostai d’un coup de poignard et lui
tailladai le bras pendant que les autres s’étaient emparés de Jiko et de mon
sac. Je me précipitai sur l’homme qui avait pris mon bagage et lui asseni un
coup dans les côtes. Je lui arrachai le sac des mains en lui donnant un autre
coup et me tournai vers Jiko. Mais le premier de mes agresseurs était à nouveau
sur moi. Jiko fut emmené hors de la ruelle alors que je me débattais avec l’homme.
Mon voleur de sac se releva à son tour avant de se jeter à nouveau sur moi.
Après plusieurs coups de pieds bien placés, j’eu à peine le temps d’enjamber
le muret et de courir en bas de la rue transversale. Je compris rapidement que
mes poursuivants avaient abandonné la course. J’étais tranquille mais je n’avais
rien pu faire pour le vieux Jiko… Envahie par les remords et un immense sentiment
d’impuissance, je poursuivis mon chemin.
La ruelle déboucha finalement sur une grande place
animée. Mais une fois de plus la rue d’où j’arrivais se situait en hauteur par
rapport à la place. Je me retrouvai en fait sur une plate-forme suspendue qui
longeait les façades des bâtiments. Autour de moi se dressaient des bâtiments
de trois ou quatre étages chacun. Tous avaient également au premier étage le
même type de passerelle blanche construite dans le même matériau TECH que les
murs. Plusieurs escaliers montaient et descendaient à mes côtés. En m’approchant
de la murette, j’aperçus en bas un marché sur la place. Autour les bâtiments
affichaient plusieurs enseignes d’échoppes et de boutiques. Sur les passerelles,
les bâtiments semblaient abriter des logements. Ils avaient des formes étranges
et l’ensemble formait un complexe d’enchevêtrement de bâtiments en tout genre
et de passerelles. Les bâtiments avaient des toits à différentes hauteurs ce
qui permettaient à certains d’avoir un jardin sur le toit de son voisin.
Tout en admirant l’architecture Iringdir, je descendis
sur la place. Une fois en bas, divers fumets de toutes sortes arrivèrent à mes
narines et je décidai de me restaurer un peu. Mais à la pensée de ce pauvre
Jiko, mon appétit s’envola. Je mangeai donc très peu ce soir là, puis, je fis
le tour des boutiques pour demander l'adresse d’une auberge. Je m’arrêtai dans
un magasin de vêtements où j’en profitai pour acheter une sorte de chapeau en
tissu de la couleur de ma cape et aux formes souples. Je pensais qu’il me serait
utile en cas de pluie. En payant, je demandai au vendeur une adresse et les
tarifs d’une auberge dans les environs, mais face à mon étonnement et ma déception
quand il me donna la réponse, il éclata d’un rire franc et me proposa de m’héberger
chez lui à bas prix. Je regardai l’homme un instant. Il était petit et sec,
avec des cheveux bruns et semblait sincèrement gentil. Je savais fort bien que
je n’avais pas assez d’argent pour rester longtemps dans une auberge à ces tarifs
là. Je décidai donc d’accepter la proposition du marchand de vêtement au moins
pour la nuit quite à improviser par la suite.
J’attendis donc avec lui jusqu’à la fermeture de la
boutique. La soirée était bien avancée, l’attente ne fut pas longue. Il m’emmena
alors chez lui. Il me dit s’appeler Oskar et sa femme Suzy. Ils étaient tous
les deux originaires du pays Ardas mais ils étaient venus ouvrir un commerce
de vêtements de leurs pays dans la Vallée Riche du Lokh dont ils étaient tous
les deux amoureux. Puis il m’indiqua que nous nous trouvions dans le quartier
Ouest de la ville. Ma mésaventure de la soirée m’avait fait traverser tout le
coin Nord-Ouest de Port Shavinka. La maison d’Oskar se trouvait plus au sud
encore, ce qui me rapprochait du port, ce qui était dans le fond une situation
idéale pour que je retrouve Ton.
Alors qu’on marchait, je repérai les différentes rues
que l’on traversait. La nuit était entièrement tombée depuis longtemps et le
ciel scintillait de toutes ses étoiles. Les rues de ces quartiers étaient éclairées
lorsqu’il y avait un arbre par une BULS[1]
à la chaude lumière orange ou rouge. Puis Oskar me désigna une petite bâtisse
aux murs repeints. C’était sa maison. Il me fit entrer et appela dans une langue
que je ne connaissais pas. Les murs étaient blancs et frais et le sol était
propre. Une grosse femme vêtue d’une robe blanche arriva et se mit à discuter
avec Oskar dans la même langue que précédemment en me jetant en regard soupçonneux
de temps à autres. Elle avait la peau assez mate et ses cheveux grisonnants
étaient attachés en chignon. Lorsqu’Oskar eut finit ses explications, Suzy se
tourna vers moi et pour la première fois me sourit. Elle s’excusa que sa maison
fut si petite et me conduisit dans une pièce qui me servit de chambre.
C’était une petite pièce avec une fenêtre donnant sur
l’Est. Elle était meublée d’une table et d’une chaise, d’une armoire ainsi que
d’un grand coffre en bois noir. Par terre il y avait deux grands tapis bleus
et violets ainsi que deux vases en étain et en verre bleu. Cette pièce devait
probablement servir de bureau et de débarras. Suzy sortit un grand matelas mou
de l’armoire et l’étendit sur le coffre. Elle apporta deux couvertures, l’une
en laine, l’autre en peau et les posa sur mon lit improvisé. Ensuite elle me
dit de me préparer pour le bain. Alors qu’elle s’éclipsait dans la salle d’eau,
je posai mon sac et ma cape et ôtai mes bottes.
Lorsque je pénétrai dans la salle d’hygiène, je découvris
mon hôte versant des sels bleus dans une eau fumante. Le bassin était une grosse
cuvette laiteuse de forme ronde. Je me déshabillai et attachai mes longs cheveux
fauves avant d’entrer dans le bain. Suzy me laissa alors seule. Je restai longtemps
dans l’eau relaxante aux couleurs et senteurs de l’océan. Les sels parfumés
venaient sans doute du pays Ardas… Au dessus de moi, une petite fenêtre dans
le toit en pente me permettait d’admirer les étoiles. Je pensais alors que je
n’avais pas besoin d’être à Silme pour que les étoiles me protègent. Il me suffisait
d’être en Antaria pour voir les étoiles.
-Que j’aimerais être une étoile…, murmurai-je.
Alors une voie lointaine et à la fois très proche comme
à l’intérieur de moi se mit à chanter un air incompréhensible…Mes yeux se fermaient
doucement et j’étais envahie par une douce torpeur… Suzy pénétra alors énergiquement
dans la pièce, paniquée :
-Et bien, douce demoiselle Iflis, me lança-t-elle avec
son accent de l’Ouest, que vous arrive-t-il ? On ne vous voit pas venir.
-C’est que, répondis-je en me reprenant, le bain est
tellement agréable que j’ai faillit m’y endormir.
Suzy me sourit et me tendit une large serviette de
couleur verte.
-Je l’ai choisi à la couleur des Iflis, me dit-elle
en souriant.
Je la remerciai et sorti de l’eau. Elle me montra alors
des vêtements de nuits qu’elle m’avait apporté. Elle me les prêtait pour la
nuit. Lorsque je retournai dans ma chambre, j’aperçu un plateau avec un pain
et du fromage. Elle avait également remplit les deux vases d’eau et de vin.
Je mangeai un peu e me couchai. Comme je mourrais de fatigue après ce long voyage,
je sombrai rapidement dans un sommeil remplit de rêves étranges. Je découvrais
un trésor magnifique que je ne pouvais voir et devenais ensuite une étoile qui
contemplait Antaria et l’éclairait de vérité.
[1] Les BULS sont des plantes qu'on trouve exclusivement sur Mentha. Elles ont la forme de grosses boules blanches et portent une excroissance de forme ovale à leur extrémité. On les trouve sur les arbres car elles vivent en symbioses avec eux. Les BULS sont dures (quasi incassables) et ont une texture rugueuse. Leur excroissance émettent une douce lumière durant la nuit. Il existe deux types de BULS. Ici il s'agit de l'espèce NOY-BULS. Elles ont un diamètre d'environ 40 cm et émettent une lumière dans des tons chauds. Elles dégagent également une odeur particulière qui a la particularité de faire fuir les moustiques.